Hrosvitha m’appelle : Juste pour
te dire que tu peux être un chic type, quand tu veux. Bonne journée. Je
t’embrasse. Tant de bons sentiments, dès le matin, m’inquiétaient un
peu ! Côté boulot, j’avais envie de finir la lecture des bouquins que
j’avais sortis de la bibliothèque et de me mettre à penser aux personnes que
j’allais pouvoir aller voir. J’avais trois idées : une pute, une religieuse,
une mère de famille (genre TéléPlus).
Je me disais qu'avec ça je pouvais couvrir un éventail susceptible d’intéresser mon lectorat de merde. Mon pote Néné, avec
qui j’avais pas parlé depuis au moins quinze jours, m’appelle.
- Salut, vieux grigou !
- Eh, Néné, qu’est-ce que tu
fous !
- Comme d’hab’ !
Mon pote Néné était prof de philo dans
une fac remplie de branleurs cravatés ou noeud-papillonnés qui se secouaient
les neurones à longueur de journée sur des concepts creux sortis tout droit de
la sociologie, de l’anthropologie, de la psychologie, bref, des cons, des cons
prétentieux qui le regardaient du coin de l’œil, tout ça parce qu’il parlait
plus volontiers de Merleau-Ponty, de Maldiney, de Peirce et de Du Bouchet ou de
Manciet que de Bourdieu, de Lacan, de Sloterdijk et de Guillevic ou de
Grosjean ! Néné avait cinq ans de moins que moi, écrivait un traité de
logique, publiait de temps à autres une plaquette de poésie, buvait comme une
outre, et avait pour le cul une passion exclusive, l’orifice de la mignonne
avec laquelle il vivait. Faut dire que sa poule était canon ! Il était
moyennement porté sur la question, ce qui ne l’empêchait pas de s’enfiler une
étudiante une ou deux fois par an ! Sa pouliche était prof, comme lui,
mais elle, ce qui la faisait mouiller, c’était les langues orientales. Chacun
sa merde ! On était potes depuis plus de dix ans et depuis dix ans il ne
manquait pas une occasion de m’envoyer dans les dents que je pourrais faire
autre chose que travailler pour cette revue incongrue
qu’il disait. Il disait ça pour me remonter le moral, il attendait mon grand roman !
- Et à part ça ?
- Dis donc, tu devrais filer un coup
d’œil à un philosophe italien qui s’appelle Giorgio Agamben, y a plein de
choses pas mal là-dedans !
- En ce moment, non, j’ai eu la
brillante idée de proposer à Belami une série d’articles sur C’est quoi l’amour ?, alors je lis
des mémoires de putes et je vais certainement aller en interviewer
quelques-unes !
- Tu fais ce que tu veux, mais tu
pourrais peut-être te remettre à bosser vraiment un peu, non ?
- Mouais.
- Si je me souviens bien, le dernier
article qu’on a écrit ensemble, ça fait... quatre ans, c’est ça ?
- ...
- C’était quand même pas mal,
non ? T’aurais pas envie qu’on s’y remette ?
- Pour le moment, non !
- Allez, sois pas ridicule ! On
m’a demandé de pondre un truc sur l’illisible, c’est pas mal comme sujet,
qu’est-ce que t’en penses ?
- Ouais, pas mal, pas mal !
- Ben alors, c’est oui ?
- On en reparle.
- Autrement, ça va ?
- Comme d’hab’ !
- Ça y est, Charles le grand est
amoureux !
- Déconne pas tu veux !
- Raconte, allez, raconte !
- Attends, j’ai un autre appel. T’es
chez toi ?
- Oui, oui.
- Je te rappelle dans cinq minutes.
- À tout de suite.
- Allô !
- Monsieur Montluc ?
- Oui, c’est moi.
- Je m’appelle Guillemette
Credoïnunumdeum (et moi, c’est Credoïnunumchatum ! que je pensais),
excusez-moi de vous déranger, je vous téléphone de la part de María Asunción
Belami !
- Mais vous ne me dérangez pas du
tout, chère Madame. Notre amie commune m’a en effet parlé de vous.
- Je suis très embarrassée, vous
savez, et je suis vraiment confuse de vous déranger au milieu de vos travaux
(mes travaux ? Ça faisait des
lustres qu’aucun maçon n’était venu me défoncer une cloison ou changer le
parquet. Mes travaux ? Qu’est-ce
qu’elle avait bien pu lui dire cette isalope-céphalo-frigide de Belami !),
mais je crois que dans l’affaire en question, votre aide me serait des plus
précieuses !
- Que dites-vous de cet après-midi,
vers seize heures ?
- Ça me semble parfait.
- Vous avez mon adresse ?
- Oui, merci.
- À cet après-midi, donc.
- Oui, oui, et merci. Au revoir, cher
monsieur Monluc.
- Au revoir, chère Madame.
Rien ne me plaisait plus que ces
rencontres-découvertes d’un jour ! Bien sûr, elle pouvait être tout
simplement moche à fuir, et puis, pourtant, pour une fois, peut-être que je
pourrais rien que lui donner le coup de main dont il s’agissait ! que je
me disais. Mais il y avait quand même un je-ne-sais-quoi qui me titillait la
cervelle, c’est que les huppées, les agenouillées devant
le-corps-du-Christ-Amen, moi, ça m’excitait, tout bonnement ! On verrait
bien. Bon, je rappelle Néné. En fait, ce qui me faisait bander, c’était de
décoincer les culs-bénits ! Et je m’en foutais comme de l’an dix-sept de
pas être original, l’originalité n’est qu’une couillonnade de plus,
mouais !
- Néné ? C’est Charles. On en
était où ?
- T’allais me raconter...
- Oh, pas grand chose !
- Sacré loustic, va !
-Bon, un peu, quand même !
Hildegarde, Héloïse, un peu les deux à la fois, rien de très extraordinaire !
- Sacré loustic, va ! Alors, on
se voit pour ce truc sur l’illisible ?
- On se rappelle bientôt,
d’accord ?
- Ça marche ! Tiens, dis donc,
l’autre jour j’ai vu ta transie !
- Hrosvitha ?
- Oui, oui. Mais qu’est-ce que tu leur
fais aux femmes pour qu’elles soient comme ça ?
- Et comment elle était ?
- Comme
lui, j’ai jamais aimé personne, qu’elle me dit, c’est un salaud, et je l’aime ! C’est comme ça que tu
les tiens tes langoureuses ?
- Laisse tomber, tu veux !
- D’accord ! Bon, allez, on s’appelle !
- Salut.
- Salut.
Ma transie,
mes langoureuses, tu parles !
Lorsque je l’ai connu, Néné, il vivait avec une Islandaise, nymphomane et d’une
putain de jalousie, je me demande même si elle était pas jalouse de la main qui
secouait sa queue quand il avait finit de pisser ! Y pouvait parler avec
personne, regarder personne, bref, une chieuse qu’il fallait tringler deux ou
trois fois par jours, n’importe où, quand ça la prenait, et ça la prenait sans
arrêt, et même quand elle avait ses règles, elle pouvait pas la lui laisser
tranquille, sa queue à mon Néné, non, fallait qu’elle la suce ou qu’elle la
branle, elle lui disait que c’était plus fort qu’elle, qu’elle pouvait pas
vivre sans ça ! Il a tenu deux ans ! Une performance ! Des fois
on en parlait, je lui disais qu’il avait une petite mine, il me répondait qu’il
avait un drôle de régime désalimentaire,
et pourtant il bouffait ! Moi aussi, j’en avais connu une, d’enflammée de
la chatte, quand j’avais une vingtaine d’année. Elle était chouette, celle-là aussi,
et en plus, c’était du genre marathon ! Comme un prisonnier qui essaierait
de limer les barreaux de sa prison avec une brosse à dents, jamais ça cédait,
fallait continuer ! Un jour, j’en ai eu plein le cul, j’ai loué un marteau
piqueur et j’ai arraché toute la fenêtre et me suis envolé, ciao
belladonna ! Ce qui use généralement chez les êtres humains, c’est la
durée, parce que moi, je dirais pas non à une folle-dingue de l’aller-retour,
un jour par ci, un jour par là, mais pas en pension complète au mois !
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